Normandie Incubation

Startups de Normandie : 3,2,1 décollez !

02 mai 2021 - Nos startups

Elles sont spécialisées dans la santé, les nouvelles technologies appliquées à l’industrie ou à la société, et inventent le monde de demain. Immersion dans les étapes de développement des startups, fers de lance de l’innovation en Normandie.

Source : www.normandie.fr

« Une startup, c’est une entreprise nouvelle, innovante, qui rencontre des difficultés supplémentaires par rapport à une entreprise classique. »
Juliette Renauld, entrepreneure caennaise

« Une startup, c’est une entreprise avec un baby foot dans l’entrée…« . C’est souvent ce qu’entend Juliette Renauld, dont le projet infuse au sein de l’incubateur régional depuis 10 mois. Mais son travail est-il si « décontracté » ? Derrière le cliché se cache en effet un parcours bien plus exigeant qu’il n’y paraît. La bonne idée de départ, aussi innovante soit-elle, doit franchir bien des paliers et cocher toutes les cases d’une longue check-list pour réussir son décollage.

Une entreprise pas comme les autres

Pour Laurent Protin, la startup se caractérise par son rapport à une somme de “risques”. Le directeur général de Normandie Incubation connaît bien le sujet : en 20 ans, sa structure a accompagné plus de 300 projets d’innovation dans des domaines très divers. Il distingue 3 types de risques : les risques liés au marché (on ne sait pas s’il y a un marché pour ce produit), ceux liés aux finances du porteur de projet (il faut beaucoup d’argent pour rendre la technologie viable et la commercialiser). Enfin, le plus important peut-être, le risque humain : le porteur de projet a-t-il la capacité de mener à bien son idée ?

Les créateurs de startup viennent d’horizons extrêmement variés. On trouve parmi eux des entrepreneurs, des personnes sans emploi, des salariés, des scientifiques. La plupart d’entre eux sont fraîchement diplômés, le plus souvent formés par la voie de l’apprentissage.

« Quand on lance ce type d’entreprise dans des secteurs très innovants, il faut acquérir des connaissances juridiques, des compétences managériales, commerciales, économiques… C’est tout l’enjeu de nos dispositifs d’accompagnement : aider chacun de ces porteurs de projet à se former, à échanger avec des contacts extérieurs, à trouver des associés… Bref, à accepter ces risques. Mais même en cas d’échec, l’expérience est forcément profitable ! ».

« On mise sur un produit ou un service attendu sur le marché et qui recèle un grand potentiel de développement. De quoi créer beaucoup d’emplois : c’est l’un des enjeux »
Laurent Protin, directeur général de Normandie Incubation

Un parcours semé d'embauches

Il faut aussi, pour ces nouveaux entrepreneurs, mieux comprendre les ressorts d’un modèle économique bien différent de celui des entreprises classiques. Contrairement à ces dernières, qui financent leur développement grâce à leur chiffre d’affaires, les startup se doivent d’innover, quels que soient les bénéfices qu’elles engendrent. C’est ainsi qu’elles créent de la valeur.

En 2019, on comptait plus de 10 000 startup en France et ce chiffre augmente de 20% chaque année. « On note un vrai engouement pour cette logique de startup, qui répond bien aux enjeux sociétaux d’aujourd’hui. » Elles ont aussi un impact très positif sur le territoire où elles s’installent, puisqu’elles soulignent sa faculté de recherche et d’innovation et qu’elles créent une activité économique non négligeable. 10% des créations d’emplois en France seraient l’œuvre des startup, selon le cabinet d’audit KPMG (2019). Et sur les 311 projets accompagnés par Normandie Incubation depuis 2000, 228 entreprises et environ 1 300 emplois ont été créés dans la région.

Etape 1 : la pré-incubation pour mieux cerner son idée innovante

Au commencement de toute startup, il y a une idée. Tout l’enjeu est ensuite de déterminer si cette idée – et son initiateur – ont un potentiel suffisant pour donner matière à une entreprise économiquement viable. Car il n’est pas évident, même quand on a une certaine ouverture d’esprit et l’envie de donner du sens à son travail, de se sentir investi du rôle d’entrepreneur. “C’est à cela que servent les 3 mois du premier volet de notre accompagnement, le dispositif Sterne : savoir si le porteur de projet a les épaules assez solides.” Charge à l’équipe de Normandie Incubation d’en décider, sur dossier de candidature. Deux fois par an, 10 nouveaux entrepreneurs intègrent ainsi ce parcours d’accompagnement.

Parmi les membres de la 10e promotion, Yoan Allaman, 23 ans. Son idée : associer aéronautique, sécurité et technologie pour proposer à des sites sensibles des drones équipés de systèmes embarqués de surveillance.

« J’avais construit mon projet avec mes associés en parallèle de mes études d’ingénieur à l’ESIX Normandie (Caen). Cela faisait deux ans que l’on cherchait la solution au besoin que l’on avait identifié. Mon idée était très concrète, mais aussi très technique. Le dispositif Sterne m’a apporté des billes pour mieux me comprendre moi-même par rapport à mon projet et me positionner en tant qu’entrepreneur : savoir prendre la parole en public, présenter le projet à n’importe qui en ayant une sorte de “langage universel”, faire ressortir ce qui peut intéresser le client. Je ne connaissais pas non plus l’écosystème normand, les aides possibles, les accompagnements… Bref, j’ai acquis une vision globale. »
Yoan Allaman, porteur de projet

En mars 2020, Yoan Allaman a été le premier à bénéficier du dispositif régional « Mon stage, ma start-up » ce qui lui a permis d’intégrer STERNE et de mûrir pendant 6 mois son projet. Il se rapproche alors de filières normandes qui gravitent dans son secteur d’activité et tisse des relations avec des entreprises. Cette phase de consolidation lui permettra de prouver devant un nouveau jury le potentiel de son idée, grâce à un POC (Proof of concept” ou preuve de faisabilité en français)*. Ce critère est essentiel pour accéder à la prochaine étape d’accompagnement de la vie d’une start up : l’incubation.

En attendant, le projet DROSS, pour DROne de Sécurité et Sûreté, est sur de bons rails : il a déjà reçu les honneurs du concours national Pépite porté par le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui encourage “l’engagement de jeunes entrepreneurs”. De quoi assurer à Yoan une solide crédibilité qui facilitera le déblocage de fonds pour lancer son projet.

Etape 2 : l’incubateur, ou comment faire d’un projet une start up

« À ce stade, on sait que le projet est faisable. Oui, mais est-ce qu’il a vraiment un intérêt ? C’est toute la question à lever pendant les 18 mois que dure l’incubation. Comme une poule couve ses poussins, nous allons alors soutenir le développement des startups en apportant nos expertises et notre réseau de partenaires. Ce réseau, c’est l’une des grandes forces de notre territoire, car il nous permet d’articuler le travail des parties prenantes et de rapprocher des compétences pour construire une équipe. »
Laurent Protin

Chaque année, 150 projets sont étudiés. Trois thématiques s’illustrent particulièrement en Normandie : l’e-santé, c’est-à-dire les technologies numériques appliquées à la santé (80% des projets présentés), l’industrie du futur et la société de demain. Après un premier filtre opéré par l’équipe de Normandie Incubation, le jury de sélection, composé cette fois d’experts du territoire, d’entrepreneurs, d’universitaires, d’investisseurs et de structures de financement, n’en gardera qu’une vingtaine.

Etape 3 : l’accélérateur, le tremplin des technologies d’avenir

C’est tout nouveau ! Début avril, l’accélérateur Deeptech* a accueilli son premier pensionnaire : la start up rouennaise Veragrow, codirigée par Alexandre Bocage, Théo Saint Martin et Alexandre Foulon (lire aussi notre dossier Jeunes diplômés), qui produit des fertilisants biologiques issus du lombricompostage.

Ce nouveau dispositif veut amener les startups normandes à atteindre plus rapidement la dernière étape de leur développement : l’autonomie. En somme, doter d’un turbo ces entreprises dont la fusée a déjà pris son envol. « Aujourd’hui, il faut 5 à 10 ans pour qu’une startup devienne financièrement autonome. L’enjeu, c’est de réduire ce délai. »

« 70% des projets que l’on accueille à Normandie Incubation aboutissent à la création d’une entreprise. C’est remarquable, mais il nous faut aller plus loin car les entreprises les plus prometteuses d’entre elles sont souvent rachetées par des groupes internationaux. »
Laurent Protin

La difficulté est connue : dès que les startups ont un besoin de financement supérieur à 10 millions d’euros pour poursuivre leurs innovations, les garder en France ou en Europe est un défi. « Il faut qu’elles parviennent à prospérer plus vite et nous travaillons à rapprocher le marché français pour apporter une connotation internationale. Nous allons les mettre en relation avec des partenaires externes, chercher un industriel par exemple… Nous sommes là pour rapprocher tous ces gens-là : comme une équipe de foot, il faut juste savoir faire la passe au bon moment. »

Le financement, clé de voûte du développement de la startup

Pour Jean-Yves Renault, qui veut développer son « propre médicament » après avoir travaillé 30 ans dans les services de recherche & développement de grands groupes pharmaceutiques, « rejoindre l’incubateur est l’étape la plus naturelle. Je cherchais à évaluer mon dossier, à tester auprès de différents contacts si mon idée n’était pas saugrenue. » À 60 ans, l’entrepreneur loue aujourd’hui « un network favorable et les gens enthousiastes qui l’entourent. Il y a beaucoup d’aides à la création d’entreprise en France, mais vous n’y accédez pas tout seul. Quand vous êtes incubé, cela vous donne une certaine légitimité. »

Hippoxis, son projet, consiste à développer un médicament pour un cancer très rare qui touche les 10-25 ans. S’il arrive à prouver que son produit a un impact, il pourrait être utilisé pour de nombreuses autres formes de cancer. De quoi concurrencer à terme de grandes entreprises…

Mais avant d’en arriver là, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Jean-Yves Renault a véritablement enclenché son projet grâce à plusieurs financements. “J’ai reçu un premier coup de pouce financier de 20 000 € de la part de Normandie Incubation puis une subvention de 50 000 € de la Banque publique d’investissement, de quoi faire un peu de travaux de R&D*. Il me faut arrêter une formule pharmaceutique suffisamment innovante pour déposer un brevet. C’est essentiel, mon idée ne sera plus qu’une idée : ce sera un véritable objet !” Ce sera alors un argument (POC*) déterminant à présenter aux investisseurs à convaincre.

Pour ce faire, Jean-Yves Renault a monté un projet collaboratif avec l’Université de Rouen qui a bénéficié d’une subvention de 140 000 € de la Région Normandie. Ce rapprochement lui permettra de tester son futur médicament en laboratoire et de préparer les tests cliniques (sur l’homme). L’objectif à l’issu du projet (juin 2022) est de déposer au moins un brevet. Jean-Yves Renault envisage déjà une étude clinique dans un grand hôpital et prévoit également une première levée de fonds* de 3 à 5 millions d’€ en fin d’année.

Du laboratoire au marché : l’importance du réseau

« Être challengé sur notre projet, cela a été très dur mais très structurant, cela nous a fait du bien en cet été 2020 où le contexte sanitaire risquait de nous endormir. Finalement, nous sommes sur des rails qui vont nous donner une trajectoire plus pérenne. »
Juliette Renauld

Pour Juliette Renauld, formée à la Neoma Business School de Rouen, entrée en juillet dernier dans l’incubateur, ce réseau a surtout permis de « ne pas se précipiter. En général, résume celle qui a déjà vécu une première expérience de startup rachetée par une société Suisse, on vient ici tester son idée. Nous, notre projet était déjà ficelé. Mais il nous fallait prendre du recul. »

La start up qu’elle a créée en novembre, Genexpath, a pour objet de classifier certaines tumeurs à l’origine de cancers, pour déterminer le traitement le plus efficace. Cette idée n’est pas la sienne, elle lui a été proposée en fonction de son profil par Normandie Valorisation. Cette structure issue de Normandie Université, regroupe l’ensemble des laboratoires de recherche normands dont elle assure le “transfert de technologie”. Normandie Valorisaton permet de transformer des avancées de la recherche en réalité de terrain !

Genexpath a bénéficié de fonds publics pour la création de son site internet et pour des prestations d’accompagnement juridique et réglementaire pointus. “Vous ne pouvez pas dire : je mets un stand au bord de la route et je vends mes produits ! Il faut organiser le contexte dans lequel développer ce projet commercialement.”

Pour Juliette Renauld, un objectif : devenir une référence sur le marché. “Dans notre secteur, c’est un peu le Far West : c’est tout nouveau, tout reste à faire ! On espère lancer ensuite de nouveaux produits dans la même logique.” En phase d’industrialisation, le projet Genexpath vient de s’installer dans de nouveaux locaux à Rouen et continue d’être soutenu par les structures qui l’ont aidé à grandir.

Success story normande

Bodycap, dont l’histoire a débuté en 2005, a franchi avec succès tous les étapes de développement. Aujourd’hui, 80 % de son chiffre d’affaire se fait à l’international : un modèle de réussite.

Rencontre avec Sébastien Moussay, président fondateur de la société Bodycap. Il nous a accueilli dans ses bureaux à Hérouville-Saint-Clair, dans la périphérie caennaise. Avec ses 15 salariés, il conçoit, développe et commercialise des micro capteurs destinés à des usages médicaux, sportifs et militaires.

 

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